Tantôt l’enseignant découvre un document et se demande à quel public il pourrait en proposer une exploitation, tantôt l’enseignant recherche un document dont l’exploitation devra répondre aux besoins de communication d’un groupe d’apprenants précis.
Dans le premier cas, l’enseignant va tenter de décrire le public auquel le document pourrait idéalement servir. Dans le second, il va rechercher un document en se remémorant les caractéristiques du public auquel son exploitation sera proposée.
Cette identification et/ou cette description du public des apprenants constituent des démarches d’une importance majeure lors de la planification d’un cours de langues. Elles doivent être réalisées en des termes significatifs, à l’aide de critères pertinents. Comme nous le verrons infra, décrire un public en termes de niveau, par exemple, constitue le plus souvent un choix malheureux.
Ces critères doivent aussi être hiérarchisés : la priorité ne devrait pas être donnée au critère de l’intérêt, par exemple, comme ça arrive trop souvent.
Il est intéressant d’examiner les sept critères qui suivent :
L’utilité
Il s’agit d’un indicateur fondamental, en principe étroitement lié aux contenus du programme, aux besoins des apprenants, au moment dans le cursus d’apprentissage.
Voici, à titre d’exemple, une définition opératoire formulée en termes d’utilité [2] : public d’apprenants susceptibles d’être appelés un jour à utiliser le lexique des TIC et en particulier celui de la téléphonie mobile.
L’intérêt
Ce descripteur paraît moins fondamental. Son emploi peut d’ailleurs devenir dangereux s’il est utilisé seul : l’unique souci d’intéresser pourrait conduire un enseignant à apporter dans la classe des documents attrayants, certes, mais insuffisamment utiles aux plans de l’apprentissage et des besoins sociaux à satisfaire. Le degré d’intérêt devrait être, au moins en partie, induit par la véritable utilité sociale ressentie.
Exemple de définition opératoire formulée en termes d’intérêt : public d’apprenants concernés par la liberté d’avoir ou non un téléphone portable.
La classe, l’âge
Ce critère se fonde sur un postulat fragile, celui de l’homogénéité à divers plans d’une classe à l’école et/ou d’une classe d’âges. Toutefois, il est parfois pertinent de rapprocher l’âge moyen d’élèves et celui des locuteurs impliqués dans les documents exploités. On ne devrait pourtant préciser un âge, une classe ou un degré/cycle dans le système éducatif qu’en gardant en tête la grande relativité de cette mention.
Exemple de définition opératoire formulée en termes de classe ou d’âge : public d’apprenants à peu près de la même classe (6e au collège) et du même âge que le rédacteur de la première partie du document exploité.
Le niveau
La signification du terme niveau peut être très ambiguë. S’agit-il du niveau de la classe ? Si tel est le cas, s’agit-il du niveau théorique de la classe ou de son niveau réel ? Une autre question est de savoir ce que mesure ce niveau, d’ailleurs trop souvent concrétisé par des étiquettes vides de sens : débutant, faux-débutants, intermédiaire, avancés, etc. Il faudrait préférer à la notion de niveau, celle de profil et exprimer cette dernière en termes de prérequis communicatifs (linguistiques, sociolinguistiques ou pragmatiques) nécessaires au bon accomplissement de l’activité.
Exemple de définition opératoire formulée en termes de niveau : public d’apprenants connaissant le lexique de la téléphonie mobile, au fait des normes de fonctionnement du courrier des lecteurs – et des normes de rédaction d’emails s’ils doivent envoyer un email –, déjà capables de réaliser l’acte de parole consistant à « donner des conseils ».
S’il ne s’agit pas du niveau de la classe, mais de celui de l’activité, les choses se compliquent : À quel point de vue peut-on juger du niveau d’une activité ?
De sa difficulté ? Si tel est bien le cas, on se heurte à un autre problème : même si, dans les faits, le degré de difficulté dépend plus souvent de l’activité que du document lui-même, il reste toujours lié aux deux.
La détermination de la difficulté du couple activité/document se fera intuitivement en adoptant, par exemple, l’échelle (A1, A2, B1, B2, C1, C2) proposée dans le CECR et donc, en pratique, en se référant par comparaison à des examens familiers comme ceux du Palso-Laas ou du ΚΠγ.
Exemple de définition opératoire formulée en termes de niveau : s’il faut spécifier un niveau, ce pourrait être un public d’apprenants du niveau B2 sur l’échelle proposée dans le CECR.
La maturité cognitive
La maturité du public cible est hétérogène aussi ; on parlera donc de maturité minimale.
Nous nous référons à la maturité cognitive, et non à la maturité affective, dans la mesure où nous nous limitons ici aux considérations touchant à la didactique, à l’exclusion de toute considération d’ordre purement pédagogique.
Exemple de définition opératoire formulée en termes de maturité cognitive : public d’apprenants capable d’appréhender et/ou de s’approprier les notions et les stratégies développées dans le document ou dans les productions demandées par la consigne d’activité.
Un indicateur opératoire de l’existence de cette capacité pourrait être le sentiment que les apprenants sont capables d’appréhender pareil document présenté dans leur langue d’origine et d’effectuer les activités demandées dans leur langue d’origine.
Les apprenants doivent être capables d’appréhender en grec des propos sur « le bien fondé de la possession d’un téléphone portable à 11 ans ».
Le profil socioculturel
Le profil socioculturel peut être lié au « quartier » ; il est alors moins hétérogène.
Exemple de définition opératoire formulée en termes de profil socioculturel : public d’apprenants dont une majorité est entrée directement ou indirectement au contact concret de la téléphonie mobile et qui peut donc notamment concevoir les avantages et les dangers de son utilisation à un trop jeune âge.
L’effectif
L’importance de l’effectif peut jouer un rôle sur le choix des modalités de travail.
Exemple de définition opératoire formulée en termes d’effectif : classe de 25 élèves ; leur nombre est suffisant pour justifier la distribution de questionnaires à choix multiples, la constitution de groupes de travail et des réseaux d’interaction intra-groupe et extra-groupe.
Pour nous résumer de façon simple et pratique, l’exemple qui suit pourrait constituer une définition opératoire acceptable d’un public d’apprenants :
Concours de l’ΑΣΕΠ, session de 2004, http://gallika.net/IMG//pdf/2004_questions_2_3.pdf
Apprenants
- susceptibles d’être appelés un jour à utiliser le lexique des TIC et en particulier celui de la téléphonie mobile ;
- concernés par la liberté d’avoir ou non un téléphone portable ;
- à peu près de la même classe (6e au collège) et du même âge que le rédacteur de la première partie du document exploité ;
- connaissant le lexique de la téléphonie mobile ;
- au fait des normes de fonctionnement du courrier des lecteurs et des normes de rédaction d’emails s’ils doivent envoyer un email ;
- déjà capables de réaliser l’acte de parole consistant à « donner des conseils » ;
- dont une majorité est entrée directement ou indirectement au contact concret de la téléphonie mobile et qui peut donc notamment concevoir les avantages et les dangers de son utilisation à un trop jeune âge ;
- capables d’appréhender en grec des propos sur « le bien fondé de la possession d’un téléphone portable à 11 ans » ;
- capables d’appréhender et/ou de s’approprier les notions et les stratégies développées dans le document ou dans les productions demandées par la consigne d’activité ;
- formant une classe de 25 élèves : leur nombre est suffisant pour justifier la distribution de questionnaires à choix multiples, la constitution de groupes de travail et des réseaux d’interaction intra-groupe et extra-groupe.
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[1] toutes les définitions opératoires qui suivront concernent le public auquel aurait pu être présenté le document « authentique » proposé à l’épreuve de didactique du concours de l’ΑΣΕΠ, session de 2004
[2] toutes les définitions opératoires qui suivront concernent le public auquel aurait pu être présenté le document « authentique » proposé à l’épreuve de didactique du concours de l’ΑΣΕΠ, session de 2004