Les lignes qui suivent sont tantôt extraites, tantôt inspirées d’une page éditée par le LABORATOIRE D’ENSEIGNEMENT MULTIMEDIA de l’Université de Liège à laquelle nous encourageons vivement le lecteur de se rendre par le plus court chemin :
www.ulg.ac.be/lem/stylesapprent.htm
Qu’est-ce qu’enseigner ?
Conception classique : Poser cette question à des enseignants débutants voire même à des enseignants chevronnés les plonge souvent dans une certaine perplexité. Première réponse qui surgit spontanément (et surtout en credo pédagogique), enseigner c’est faire des hommes, enseigner c’est apprendre, enseigner c’est créer des adultes dynamiques. Ces réponses sont parfaitement légitimes mais constituent plus une axiologie qu’une réponse précise. Un autre type de réponse observable surtout chez les enseignants débutants est concrétisé par l’exemple suivant : « enseigner, c’est transmettre mon savoir ou encore enseigner, c’est transmettre mon message ». Là aussi, cette conception est parfaitement légitime mais jusqu’à un certain point. Enseigner c’est transmettre, bien sûr, mais surtout à l’heure actuelle, à l’heure des médias, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une certaine réduction de l’acte d’enseigner.
Conception moderne : Si on consulte, au hasard, un dictionnaire moderne de pédagogie, on trouve des définitions qui transcendent la conception classique de l’acte d’enseigner, conception qui reste légitime, bien sûr, mais qu’il convient peut-être de dépasser. Prenons, par exemple, le dictionnaire actuel de l’éducation de Legendre Larousse 1988 ; on y lit la définition : « enseignement : processus de communication en vue de susciter l’apprentissage. ». Dans cette perspective, enseigner devient un concept beaucoup plus extensif ; enseigner, n’est pas seulement transmettre une information mais c’est surtout provoquer ou encore organiser ou encore faciliter ou gérer un apprentissage. Nous retiendrons surtout la notion de gestion des apprentissages car, après tout, le terme de gestion englobe à la fois la facilitation et d’organisation de l’apprentissage.
Conséquences :
1. On peut dire qu’enseigner n’est pas seulement parler comme disent les anglo-saxons « teaching is not telling ». On pourrait même dire qu’un enseignant peut être parfaitement silencieux dans sa classe et être en train d’enseigner dans la mesure où il organise une situation d’apprentissage. Rappelons-nous Celestin Freinet, qui revenu de la guerre 14-18 gazé, a tout à fait rénové la pédagogie de l’enseignement fondamental parce qu’il était incapable de tenir de long discours.
2. Enseigner et apprendre sont deux concepts tout à fait indissociables tout comme vendre ou acheter. Qu’est-ce que vendre ? C’est parler ou vouloir convaincre le client, mais plus fondamentalement vendre c’est provoquer l’achat, s’il n’y a pas d’achat, il n’y a pas de vente. De même, s’il n’y a pas d’apprentissage, il n’y a pas d’enseignement digne de ce nom.
3. Un bon enseignant est donc un « organisateur de situations d’apprentissage ». En fait, un enseignant, c’est quelqu’un qui fait du management, c’est à dire qui coordonne les activités de certaines personnes en vue d’atteindre des objectifs dûment définis. L’enseignant est un manager et pas simplement un dispensateur d’informations.
Qu’est-ce qu’apprendre ?
Il existe de multiples définitions de l’acte d’apprendre. Il existe même une multitude de classifications selon des critères très diversifiés. On distingue ainsi des apprentissages verbaux ou moteurs, des apprentissages par l’action ou par l’imitation... Nous nous limiterons ici à une dichotomie qui se réfère à deux grandes théories d’apprentissage souvent opposées, mais en fait plutôt complémentaires.
Conception behavioriste : Théoriquement cette conception se rattache aux travaux de Pavlov sur le conditionnement. En psychologie, le concept de conditionnement est repris par Watson qui se fait fort de transformer tout enfant, normalement constitué, en médecin, avocat ou voleur par le jeu de subtils conditionnements. Plus récemment, dans les années 60, B.F. Skinner définit l’apprentissage comme un « conditionnement opérant », axé sur les renforcements positifs ou aversifs. Dans la foulée, il invente l’enseignement programmé, moteur de ce qu’il appelle « la révolution scientifique de l’enseignement ». Cette conception a suscité autant d’adhésion que d’hostilité. L’erreur de Skinner est, sans doute, d’avoir généralisé à outrance sa théorie. Il est incontestable que certains apprentissages relèvent bien du conditionnement mais que d’autres se réalisent d’une toute autre manière.
Conception cognitiviste :
Le cognitivisme est un courant de pensée de la psychologie contemporaine qui s’interroge sur la genèse de la connaissance. Contrairement aux behavioristes, les cognitivistes refusent le dogme de « la boîte noire » c’est-à-dire qu’ils considèrent qu’entre le stimulus et la réponse, il existe une activité interne digne d’intérêt même si elle n’est pas directement observable. Une des plus importantes contributions au cognitivisme est sans conteste l’oeuvre de Jean Piaget qui s’interroge sur le développement de l’intelligence chez l’enfant. C’est ce qu’il appelle l’épistémologie génétique. Pour Piaget, les concepts ne s’enseignent pas, ils se construisent au cours de stades d’évolution successifs ; ils se construisent de bric et de broc grâce à l’interaction de l’individu avec son environnement.
Conséquences :
1. L’apprentissage est un concept extensif qu’on ne peut réduire aux acquis scolaires. J’apprends à skier, j’apprends le tableau de Mendeleev, j’apprends la haine, l’amour, j’apprends à jouer d’un instrument de musique, j’apprends à conduire une voiture... Le concept d’apprentissage est extraordinairement extensif. Il faut bien constater que les apprentissages qui ont marqué notre vie sont souvent plus des apprentissages existentiels que des apprentissages scolaires.
2. Comment définir, en fonction de ce qui précède, l’apprentissage ? En nous référant à la fois au behaviorisme et au cognitivisme, nous proposons la définition suivante : l’apprentissage est une modification adaptative du comportement consécutive a l’interaction de l’individu avec son milieu. De plus, l’apprentissage doit être plus ou moins durable et, autant que possible, utilisable. Et quand on parle de modifications adaptatives, on ne préjuge pas de la désirabilité sociale de l’apprentissage ; on peut apprendre à tuer, à voler, à mentir comme on peut apprendre à aider son prochain, comme on peut apprendre à résoudre une équation.
3. Le but de l’apprentissage n’est pas le savoir, mais l’action. En d’autres termes, le but de l’apprentissage c’est d’accroître notre qualité de vie. Ce critère n’est pas toujours très explicite dans les apprentissages scolaires.
4. Certaines conditions facilitent les apprentissages. Ces conditions ont été mises en lumière par les recherches sur les conditions de l’apprentissage ; nous les avons exprimées en termes d’efficacité didactique. Un des premiers principes, c’est le principe de signification ; tout apprentissage doit être significatif, c’est-à-dire qu’il doit s’insérer dans un réseau de choses connues et vécues par l’apprenant.
Les professeurs que nous sommes oublient souvent que notre style d’enseignement est fortement tributaire de notre style d’apprentissage. La découverte de notre style d’apprentissage préférentiel (avec nos points forts et nos points faibles) nous aidera à optimiser nos propres apprentissages et à mieux percevoir la diversité et la complémentarité des réactions des autres face à un problème. À cet effet, nous pouvons utiliser la grille qui suit pour découvrir si nous sommes des intuitifs, des réflexifs, des pragmatiques ou des méthodiques. Si nous n’arrivons pas à nous situer dans le tableau qui suit, nous pouvons passer un petit test sous www.ulg.ac.be/lem/stylesapprent.htm
Tableau descriptif des styles d’apprentissage
1. Vous excellez à considérer une situation sous des angles très variés. Votre réaction initiale est plutôt d’observer que d’agir ? Vous appréciez les situations qui nécessitent un foisonnement d’idées comme, par exemple, lors d’un « brainstorming » ? Vous avez des intérêts culturels très larges et vous aimez rassembler des informations avec éclectisme ? Vous êtes plutôt intuitif réflexif. Vos points forts : Vous êtes particulièrement doué pour imaginer, comprendre les gens, identifier les problèmes. Vos points faibles : Vous auriez tendance à hésiter dans vos choix, retarder vos décisions.
2. Vous excellez à synthétiser un vaste registre d’informations de manière logique et concise ? Vous vous centrez plus sur l’analyse des idées et des problèmes que sur les personnes comme telles ? Vous êtes surtout intéressé par la rigueur et la validité des théories ? Vous êtes plutôt méthodique réflexif. Vos points forts : Vous êtes particulièrement doué pour planifier, créer des « modèles scientifiques », définir des problèmes, développer des théories. Vos points faibles : Vous auriez tendance à « construire des châteaux en Espagne », méconnaître les applications pratiques d’une théorie.
3. Vous aimez apprendre en mettant la « main à la pâte » ? Vous prenez plaisir à mettre en oeuvre des projets et à vous impliquer personnellement dans de nouvelles expériences que vous percevez comme des défis ? Vous réagissez davantage par instinct qu’en fonction d’une analyse purement logique ? Lors de la résolution d’un problème, vous aimez vous informer auprès des autres avant de procéder à vos propres investigations ? Vous êtes plutôt intuitif pragmatique. Vos points forts : Vous êtes particulièrement doué pour réaliser des projets, diriger, prendre des risques. Vos points faibles : Vous auriez tendance à agir pour agir, vous disperser.
4. Vous excellez à mettre en pratique les idées et les théories ? Vous êtes capable de résoudre des problèmes et de prendre des décisions sans tergiverser et en sélectionnant la solution optimale ? Vous préférez vous occuper de sciences appliquées ou de technologies plutôt que de questions purement sociales ou relationnelles ? Vous êtes plutôt méthodique pragmatique. Vos points forts : Vous êtes particulièrement doué pour définir et résoudre les problèmes, prendre des décisions, raisonner par déduction. Vos points faibles : Vous auriez tendance à prendre des décisions précipitées, vous attaquer à de faux problèmes.
Cette classification est adaptée de D. Kolb, Learning-Style Inventory, Self-scoring inventory and interpretation Booklet, Revised Edition, 1985.
Synthèse : Olivier Delhaye
Paru dans la revue mensuelle de la Panhellenic Federation of Language School Owners (PALSO) en décembre 2002.