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Ne perdez jamais de vue l’objectif de votre leçon !

« Ne perdez jamais de vue l’objectif de votre leçon », répète inlassablement le maître de stage aux futurs enseignants. C’est que si l’objectif donne son orientation à la leçon, il en est avant tout l’essence même.

Dans le cadre d’un cours de langue, les objectifs peuvent être de diverses natures. On se souvient du professeur entrant dans la classe de langues et annonçant à ses élèves l’étude d’un nouveau phénomène grammatical : la formation du conditionnel présent des verbes, les emplois du subjonctif, l’accord du participe passé employé avec l’auxiliaire avoir.

Et si cette belle grammaire était parfaitement inutile ? C’est la thèse que soutenait Célestin FREINET dans une brochure devenue célèbre et à laquelle nous nous référions dans une Page du français précédente. À la demande de quelques lecteurs, nous en livrons la reproduction ci-dessous :

QUE VALENT LES RÈGLES DE LA SCOLASTIQUE ?
Pourtant, vous dira le chœur des scoliastes, il faut bien, pour un apprentissage quel qu’il soit, connaître les règles qui en sont la base ; les négliger, ce serait tourner le dos à l’incontestable apport de la science qui a, expérimentalement, défini et établi ces règles sans lesquelles on retombe dans un empirisme retardataire dont on connaît les dangers.

Le processus « scientifique » veut donc que, en partant de certaines pièces détachées qu’on est parvenu à isoler, on remonte les mécanismes d’une façon sûre et méthodique. Il semble en effet logique et scientifique de partir en écriture et en lecture des éléments simples qu’on combinera « méthodiquement » pour obtenir des mots et des phrases ; de connaître les indispensables règles de grammaire et d’orthographe avant de prétendre rédiger des textes ; d’être initié à la vertu des droites, à la valeur des sigles et des perspectives, à l’alliance et au mélange des couleurs avant de réussir des dessins complexes et vivants.

Là est justement la grande erreur scolastique et scientifique qui croit pouvoir procéder avec les rouages complexes de la vie comme elle le fait avec un mécanisme mu par came ou engrenage.
Nous ne disons pas que les principes de la came et de l’engrenage soient faux. Au contraire, nous nous y référons nous-mêmes au cours de nos recherches. Mais le principe ou la loi mécanique ne doivent pas nous faire oublier que la vie est quelque chose de plus subtil, de beaucoup plus évolué, à côté de laquelle les découvertes les plus étonnantes de la science n’apparaissent que comme un élémentaire balbutiement. On s’en rendra compte en comparant les tortues cybernétiques, ces merveilles de l’électronique, à la complexité du comportement humain, et à la pensée qui en est tout à la fois le moteur et le fruit.

Or, les lois de la vie ne sont pas forcément les lois scientifiques de la mécanique, de la chimie, de la physique ou de l’électronique. On découvrira peut-être un jour ces lois, mais en attendant nous devons nous appliquer à utiliser la machine humaine sans parti pris scientiste, avec un maximum de bon sens et d’efficience.

Nous notons seulement ici quelques aspects d’un problème qui dépasse infiniment les données fragmentaires et réduites de la science contemporaine, afin que le lecteur sente au moins la nécessité de reconsidérer quelques-unes de ses positions conditionnelles et qu’il s’applique à se mettre sans prétention – mais avec l’esprit sans cesse ouvert au doute et à l’expérience – au service de la Vie.

La mécanique vous permet de comprendre, de démonter et de remonter votre vélo dont vous n’ignorez aucun des secrets. Vous pouvez connaître même, en leurs formules définitives, les lois de l’équilibre. Tout cela ne vous empêchera pas de rouler dans le fossé comme un simple apprenti quand vous enfourcherez votre machine. L’équilibre indispensable, vous ne l’acquerrez jamais par l’explication technique ou le raisonnement mais seulement par l’indispensable expérience tâtonnée C’est en forgeant qu’on devient forgeron. C’est en montant à vélo qu’on parvient à s’y tenir en équilibre.

L’École s’attarde encore parfois à pratiquer la traditionnelle leçon de choses pour parvenir à une connaissance méthodique de la poule. Comme pour la bicyclette, cette étude s’accommode mal de la complexité mouvante de la vie. La leçon se fera sur la poule immobile – morte si besoin est – afin d’examiner à l’aise, bec et langue, pattes et plumes .
Or, l’enfant voit d’abord vivre la poule et c’est dans sa fonction de poule vivante et agissante qu’il apprend à en connaître par le détail les caractéristiques particulières. Et cette connaissance vivante est seule définitive.

Les récentes découvertes psychologiques et pédagogiques notamment depuis les travaux du Docteur Decroly, ont révélé l’importance du pouvoir de globalisation. La plupart des enfants - si ce n’est la généralité - voient le tout avant de distinguer le détail, l’étude particulière de ce détail n’étant d’ordinaire qu’une deuxième étape de la connaissance. On admet aujourd’hui officiellement qu’un enseignement rationnel et scientifique de la lecture puisse se faire en partant non de l’élément constitutif, mais de l’ensemble complexe dont il n’est pas toujours nécessaire de distinguer les éléments.

Il suffit à l’enfant de voir passer une auto à toute vitesse poux vous en dire la marque et les caractéristiques avec une sûreté que ne vous permettent pas des connaissances techniques autrement méthodiques.
Au stade de ce premier apprentissage, fruit de l’expérience tâtonnée, les règles diverses sont inutiles. Et si elles sont inutiles, leur insertion inopinée dans les processus d’acquisition risque d’être nuisible.

Nous savons combien cette affirmation va heurter la logique scolastique des éducateurs nourris d’une pratique qui a fait de l’étude de ces règles leur raison d’être et leur fonction.

C’est pourquoi nous parlerons d’abord bon sens.

 Croyez-vous que l’étude des lois de la mécanique ou de l’équilibre aide un tant soit peu le cycliste à devenir maître de sa machine ? Le plus habitué, ou le plus expert des cyclistes est-ce le bon théoricien ou seulement l’excellent et l’obstiné praticien ?

La réponse va de soi. On pourrait même se demander si la connaissance théorique préalable ne complique pas l’apprentissage cycliste.

 Croyez-vous qu’enseigner à un enfant les règles de la prononciation, la théorie des sons et des articulations l’aide à mieux parler et plus vite ? Y a-t-il un quelconque rapport entre cette connaissance et la maîtrise de la langue ? Et ne pensez-vous pas qu’attirer l’attention de l’enfant sur certains aspects techniques de ses exercices de langage peut lui faire perdre confiance dans la hardiesse de ses tâtonnements ?

 Pensez-vous que l’enfant marcherait plus vite et mieux si, de temps en temps, on suspendait ses tâtonnements maladroits pour lui imposer quelques exercices analytiques spéciaux ?
Tout ce qu’on peut dire c’est que ce n’est pas ainsi qu’on apprend à marcher.

 Des éducateurs ont jeté les hauts cris quand nous avons publié notre brochure : « SI LA GRAMMAIRE ÉTAIT INUTILE ».

Nous demandons à nos lecteurs de quitter un instant leur préoccupations scolaires et de voix les problèmes de l’apprentissage et de l’usage de la langue écrite avec objectivité, sur la base de leurs observations et des processus habituels d’acquisition hors du milieu scolaire.

 Il ne fait aucun doute que la grammaire est au moins inutile au stade maternel et primaire de l’apprentissage de la langue.

 Voyez vos élèves et, autour de vous, les adultes qui ont manifestement oublié les règles de grammaire que vous leur avez méthodiquement enseignées Si la connaissance de ces règles était préalablement indispensable, ces élèves et ces adultes seraient inévitablement incapables d’écrire un français correct. Or, cela n’est pas. Il n’y a aucune relation entre la connaissance des règles de grammaire et la pratique correcte de la langue. Comme il n’y a aucune relation entre la connaissance des règles de la mécanique et la maîtrise de l’équilibre en vélo.

Vous concluriez alors comme nous : On peut écrire un français très correct, vivant et élégant, sans connaître aucune règle de grammaire : on peut écrire un texte sans faute, sans connaître aucune règle d’orthographe.

 Demandez à vos collègues des classes maternelles ou enfantines ce qui leur reste de toutes les règles de grammaire et d’orthographe apprises au cours de leur scolarité, et dans quelle mesure elles s’y réfèrent lorsqu’elles écrivent leurs lettres personnelles.

J’apporte, pour ce qui me concerne, ma propre expérience : je ne connais à peu près rien des règles élémentaires de grammaire et d’orthographe et ce n’est jamais à elles mais seulement à ma longue expérience que je fais appel pour écrire un français que je crois au moins acceptable.

Et si j’écris ainsi sans connaître les règles, c’est sans doute que sont nombreux les enfants et les adultes qui peuvent en faire autant.
Nous ne discutons pas ici de la valeur et de la portée possibles de l’enseignement grammatical dans le complexe d’une culture profonde et humaine, nous disons seulement, en praticiens, que cet enseignement n’est ni indispensable, ni même utile au degré de l’initiation. Il n’est pas une condition « sine qua non » du correct apprentissage de l’expression écrite.

Il résulte de ce raisonnement d’expérience et de bon sens que, au lieu d’enseigner la rédaction en partant des règles grammaticales et syntaxiques et de la construction des phrases, il est plus normal et plus efficace de faire fond sur l’exercice synthétique et vivant. C’est ce que nous réalisons par notre méthode naturelle.

Est-il nécessaire de dire enfin que l’apprentissage du dessin tel qu’il est pratiqué dans les classes traditionnelles, en partant de la ligne simple et de la copie de modèles apparemment faciles fait perdre aux enfants toute originalité artistique et les rend tout justes aptes à dessiner avec une lamentable banalité le moulin à café ou le chapeau du directeur. Le dessin par la méthode naturelle qui ne s’embarrasse au départ d’aucune règle scolastique, nous permet d’obtenir par contre des chefs-d’œuvre qui portent témoignage du pouvoir créateur de l’entant.

Célestin FREINET

Pour FREINET donc, enseigner la grammaire d’une langue à l’écolier en espérant l’aider ainsi à s’exprimer correctement est une chose aussi absurde que de vouloir apprendre à quelqu’un à rouler à vélo en lui expliquant les lois de l’équilibre ou comment se nomment et s’organisent les pièces de la bicyclette. En fait, l’apprenti cycliste n’échappera pas à l’étape pratique qui seule lui permettra au bout de quelques tentatives de trouver son équilibre.
Donc, si l’enseignement doit se faire par la pratique, alors le ou les objectifs de la leçon doivent être exprimés non plus en termes de connaissances, de savoirs, mais en termes de compétences, de savoir-faire : L’apprenant sera capable de... On n’enseignera donc pas le système de la langue, mais l’emploi de cette langue. Un article paru dans un journal d’école (Collège De la Salle, Thessaloniki) et reproduit ci-dessous montre que les enseignants ont mesuré la profondeur du gouffre qui sépare les compétences scolaires - souvent gratuites - des compétences de communication.

Examens PALSO de français

Cette année, il a été proposé aux élèves de certaines classes de présenter les examens organisés par la Fédération Nationale des Écoles de Langues Étrangères (PALSO).
Les diplômes délivrés par la Fédération ont l’avantage d’être nationaux et sont déjà reconnus par de nombreuses institutions publiques et privées.

La qualité de conception de ces examens, le soin apporté dans l’organisation des épreuves et la rigueur de l’évaluation sont admis partout et par tous. L’adoption de critères d’évaluation très précis recommandés par le Conseil de l’Europe amène les professeurs de langue à privilégier une approche plus communicative de la langue.
Les élèves sont ainsi de plus en plus souvent appelés à faire des choses en français (adresser une lettre au secrétariat d’une université française pour demander des renseignements, suivre et comprendre le journal télévisé de TV5, refuser une invitation au téléphone, etc.) plutôt qu’à engranger sans but communicatif déclaré une somme faramineuse de connaissances scolaires qui ne sont pas nécessairement toutes utiles.

Les professeurs du collège n’oublient pas qu’ils forment les européens de demain et que leurs élèves devront très probablement un jour utiliser leur français dans l’intention précise de commander un article, de mener une recherche bibliographique ou plus simplement d’aider un touriste étranger à trouver son chemin dans les rues de Thessalonique. Toutes compétences que n’évaluent pas – ou mal ! – les examens traditionnels...

Dans cette nouvelle approche de la langue, l’unité didactique qui sera privilégiée par l’enseignant ou par l’apprenant ne sera bien entendu plus le phénomène grammatical, mais l’acte de parole. L’acte de parole est un « faire » au moyen de « discours ». II est ce qu’on fait quand on s’adresse à quelqu’un : on s’excuse, on lui demande de faire quelque chose, on le salue...

Ainsi, le professeur entrant dans la classe de langue n’annoncera-t-il plus l’étude de l’impératif, sa formation, ses emplois (quand on donne un ordre !), mais l’apprentissage d’une pratique sociale (téléphoner à un ami pour lui demander un service) notamment décomposable en actes de paroles (se présenter, saluer, demander à quelqu’un de faire quelque chose, remercier, etc.). Remarquons ici que l’emploi de l’impératif ne se réduit certainement pas à l’expression d’un ordre et qu’inversement l’expression de l’ordre se réalise bien plus souvent à travers d’autres réalisations morpho-syntaxiques qu’un simple impératif. En outre, l’acte qui consiste à demander à quelqu’un de faire quelque chose doit presque toujours être accompagné d’autres actes de paroles préliminaires.

L’enseignant devrait donc au préalable établir une liste des pratiques sociales dont ses apprenants auront besoin, et des actes de parole inhérents . Ce travail doit se fonder sur une analyse soigneuse des besoins des apprenants. Par ailleurs, ces besoins – exprimés en termes de compétences – peuvent et doivent être rangés dans une ou plusieurs des catégories suivantes : compétences de compréhension, compétences d’expression, situation de communication orale, situation de communication écrite.

Dans le cas d’étudiants grecs apprenant le français pour pouvoir lire la bibliographie francophone touchant au domaine de l’éducation physique par exemple, il serait assez absurde de leur faire acquérir des compétences de compréhension orale ou une quelconque compétence d’expression.

Si l’objectif premier de nos cours de langue est bien l’acquisition de compétences communicatives, nous devons d’emblée plonger nos apprenants dans des situations aussi semblables que possible à celles qu’ils affronteront le jour J venu. Pour ce faire, nous devons leur proposer des documents authentiques, présentés sous une forme, sur un support, dans des conditions qui sont bien celui et celles qu’ils rencontreront au moment de communiquer en français.

Ce texte a été publié dans la revue mensuelle Ενημέρωση de la
Πανελλήνια Ομοσπονδία Ιδιοκτητών Κέντρων Γλωσσών - PALSO
Fédération panhellénique des Directions de Centres de Langues - PALSO
Panhellenic Federation of Language School Owners - PALSO
en janvier 2000.


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