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Le français sur objectifs universitaires

Les propos qui suivent sont une adaptation de contenus issus d’une formation continue et à distance (Δια Βίου Μάθηση) en « Méthodologie de l’enseignement/apprentissage du français » qui, vu son succès, sera d’ailleurs à nouveau organisée (infos : http://diaviou.auth.gr/).

La particularité de l’enseignement-apprentissage du français sur objectifs universitaires (FOU) réside dans le fait que la nature des compétences à (faire) développer nécessite la présence constante de l’enseignant aux côtés des apprenants. Il s’agit en effet d’un des rares cas de figure où l’apprentissage – initial, du moins – doit se faire en salle de cours, jamais « à la maison ». Cette contrainte est liée au fait que les apprenants sont appelés à utiliser d’emblée une métalangue qui est justement celle qu’ils n’ont pas encore apprise et à mettre en œuvre des processus cognitifs qu’ils n’ont pas encore activés non plus. Une gageure !

De nombreux chercheurs ont montré que, presque partout sur la planète, l’enseignement secondaire semble mal préparer les élèves aux études universitaires. La meilleure preuve de ce que les étudiants n’ont pas souvent les prérequis attendus, est le fait qu’en France ou en Belgique, par exemple, les francophones natifs eux-mêmes participent nombreux à ces cours, d’ailleurs souvent (re)baptisés : Cours de perfectionnement en langue française (histoire de ne pas vexer les nationaux) et d’initiation aux techniques universitaires (l’objectif réel, l’objectif actionnel).

C’est donc bien de pair que doivent s’effectuer l’apprentissage de l’usage de la langue française et le développement des processus cognitifs permettant de comprendre, concevoir, exercer ou médier toute activité scientifique. « Tous les moyens de l’esprit sont enfermés dans le langage » (Alain, 1932) : ce n’est pas très nouveau, mais c’est si bien dit !

Dans une classe de FOU, les étudiants éprouvent donc quasiment tous ce qui pourrait être appelé des difficultés d’apprentissage. Ils ont besoin, chacun, d’une assistance individuelle qu’il serait trop lourd d’assurer à distance. Ceci explique probablement pourquoi dans presque toutes les universités du monde, professeurs et chercheurs se demandent encore aujourd’hui comment (mieux) aider les étudiants à comprendre et/ou à tenir des discours (oraux ou écrits) liés aux savoirs (science) et à l’activité scientifique.

Voici un exemple concret et éclairant de ce que peut être une séquence de formation en FOU.

COMPÉTENCES GÉNÉRALES

L’objectif de la formation, exprimé en termes de compétences générales, pourrait être le suivant : obtenir son diplôme.
Pour atteindre cet objectif, un étudiant doit notamment déposer un mémoire de fin d’études (autre compétence générale). Ce mémoire sanctionne souvent une recherche bibliographique, une expérimentation ou une enquête (autres compétences générales).

COMPÉTENCES DE COMMUNICATION

Les compétences de communication correspondantes peuvent être : définir une notion, rapporter des définitions, comparer des définitions, exposer ou faire la médiation (d’une partie) des résultats d’une recherche, formuler une hypothèse, donner des arguments, etc. Ces compétences doivent être développés tant au plan de la réception qu’à celui de la production.

La plupart des étudiants composent leurs textes savants comme l’on fait un puzzle : ils assemblent – maladroitement, en plus ! – des citations mal choisies et des passages qu’ils ont traduits de textes qu’ils ne comprennent pas totalement. Ce n’est absolument pas leur faute. Souvent, ils n’ont tout simplement pas encore appris à faire autrement !

La première compétence de communication à faire développer par les étudiants pourrait donc être la compréhension des textes savants qu’ils recopient et/ou dont ils font la médiation.

J’emploie le terme savant (= qui a rapport au savoir) pour pouvoir intégrer, dans le corpus des documents authentiques, des textes plus faciles à comprendre, comme le sont, par exemple, les textes à vocation didactique (notes de cours) ou les textes vulgarisateurs (= articles mettant à la portée de lecteurs non savants, des découvertes de la recherche scientifique).

EXEMPLE DE MISE EN ŒUVRE

Ainsi, pour donner un exemple, je me suis aperçu à l’occasion d’un cours de FOU que j’assurais, que la compréhension du titre de dissertation suivant, proposé à la sagacité des étudiants, peut poser problème : Le cinéma est moins une peinture du visible que de ses au-delàs.

Si l’on demande aux étudiants de résumer ou de reformuler l’idée développée dans ce titre, nous obtenons le plus souvent les propositions suivantes :

« Le cinéma est une peinture du visible » (c’est justement le contraire),
« Le cinéma est une peinture du visible et de ses au-delàs » (on perd une partie importante de l’idée, il n’y a plus de comparaison),
« Le cinéma est une peinture de ses au-delàs » (des au-delàs de quoi ? du cinéma ? non !),
« Le cinéma est surtout une peinture des au-delàs » (c’est mieux, mais des au-delà de quoi ?).

La plupart des étudiants ont donc tendance à souligner dans le texte ce qui leur paraît important et à juxtaposer ensuite les éléments soulignés. Cette technique ne permet pratiquement jamais de restituer complètement le sens d’une phrase, d’un paragraphe ou d’un texte.

La solution ? Obliger les étudiants à reformuler les idées dans un code non discursif qui privilégie, qui impose presque, la préservation des liens logiques qui constituent finalement la substance première de tout discours savant. Ici, ils pouvaient écrire/dessiner :

Cette forme de symbolisation permet une restitution plus complète, plus fidèle des idées reçues. La reformulation du titre à partir de ce schéma peut être, par exemple : Le cinéma est une représentation, moins de la réalité proprement dite, et plus de l’au-delà de cette réalité ou Le cinéma montre moins le visible proprement dit, et plus ce qui se cache derrière ce visible.

Tout y est ! Comparez avec ces reformulations erronées ou incomplètes : « le cinéma est une peinture du visible », « le cinéma est une peinture du visible et de ses au-delàs », « le cinéma est une peinture de ses au-delàs » et « le cinéma est surtout une peinture des au-delàs ».

PRÉSÉANCE DE LA COMPÉTENCE COMMUNICATIONNELLE DE SYMBOLISATION DU DISCOURS SAVANT

C’est à ce sport que doivent se livrer nos élèves de FOU. C’est le prix qu’ils doivent payer avant de pouvoir apprendre la moindre autre chose, avant de pouvoir enfin apprendre à apprendre.

Il ne sert à rien d’étoffer quelque vocabulaire spécialisé, de rappeler les règles de grammaire les plus pointues, de faire distinguer des paronymes, si la compétence du décodage de la pensée qui a présidé à la production d’un énoncé n’a pas été préalablement développée.

MOTIVATION

Alors, comment amener les étudiants en FOU à symboliser la pensée dans la joie ? Tout simplement en commençant par leur proposer de développer des compétences générales comme, par exemple, la survie académique au cours d’une mobilité Erasmus ou l’obtention du diplôme brigué. Ils se livreront ensuite avec enthousiasme aux activités communicatives, pourtant parfois harassantes, de prise de notes durant un cours donné en français et sur un débit rapide, de mise au propre de ces notes, de prise de notes au cours d’une recherche bibliographique, de médiation de contenus savants, etc.

MERCATIQUE

Le prof de français qui a compris tout ceci pourra se charger avec le plus grand succès de la formation des publics relativement nouveaux d’apprenants que constituent les étudiants se préparant à partir en mobilité Erasmus, les étudiants préparant un mémoire (nouveaux programmes académiques en Grèce) et les étudiants décidés à poursuivre des études de Master à l’étranger.

Bonne rentrée !


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