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3 Les objectifs de l’évaluation

Suite de la présentation critique d’un instrument d’évaluation mis en œuvre en Grèce (en l’occurrence, les examens de français du PALSO) pour l’octroi d’une certification en langue française, mémoire de DEA – Sciences du langage, Université de Mons-Hainaut, 1998.

3.1 Préliminaires

L’estimation de la qualité d’une procédure d’évaluation doit passer par l’examen minutieux de ses objectifs. Un souci classique du docimologue est de vérifier si des objectifs généraux, spécifiques et opérationnels président à l’évaluation.

Pour peu que les objectifs généraux et spécifiques forment un ensemble cohérent et clairement défini, leur nature (politique, linguistique, etc.) ne devrait pas inquiéter outre mesure l’observateur. Il serait par contre opportun de préciser, avant de les étudier, ce qu’on entend exactement par objectif opérationnel d’évaluation.

Un objectif opérationnel d’évaluation peut être défini comme étant une micro-compétence directement mesurable et nécessairement représentative de la compétence plus large à évaluer. Selon HAMELINE (1990), un objectif est pleinement opérationnel quand rien n’est équivoque dans sa formulation (univocité), quand le comportement qu’il décrit est parfaitement observable (performance), quand les conditions qui contraignent sa réalisation sont clairement énoncées (conditions) et enfin, quand un seuil d’erreurs autorisé est défini (critère).

Il serait donc vain de vouloir faire exactement correspondre les objectifs d’apprentissage aux objectifs d’évaluation puisque ces derniers ne constituent en définitive qu’un échantillon représentatif des premiers. À la question de savoir si une liste exhaustive des objectifs opérationnels d’une évaluation certificative doit être communiquée aux personnes qui la préparent, il peut être répondu qu’une telle pratique risque d’enfermer les apprenants dans des activités de bachotage et de les voir se limiter à l’acquisition de compétences minimales, non plus dans le but d’être capable de conclure un acte de communication en langue étrangère mais bien dans celui de franchir un seuil de réussite.

3.2 Objectifs généraux et spécifiques

Les objectifs généraux et spécifiques des certifications délivrées par le PALSO sont définis dans le Curriculum distribué aux professeurs, confirmés par les titres donnés aux épreuves qui composent l’examen et évoqués dans une moindre mesure dans le texte des certifications délivrées.

3.2.1 Leur définition dans le curriculum

Dans le curriculum, les objectifs généraux de l’apprentissage et des examens sont exprimés en termes de compétences de communication et correspondent aux besoins langagiers que pourraient éprouver

 de jeunes apprenants au moment de leur passage à la vie active ou
 des adultes désireux de développer des contacts socioprofessionnels en français.

La frontière entre les niveaux élémentaire et certificat, principalement basée sur le degré de complexité de la batterie des moyens linguistiques mis en oeuvre pour répondre aux nécessités des situations de communication dans lesquelles pourraient se trouver impliqués les candidats, est nette et permet d’opérer deux évaluations bien distinctes. Précisons toutefois que, comme ce sont les actes de parole, les genres de discours à adopter, les modalités de l’acte d’énonciation qui entraîne une modification du degré de difficulté de la mise en exercice du système linguistique, c’est bien en termes d’actes, de genre de discours et de modalités que seront isolées et décrites les activités qui peuvent être proposées au seul examen du certificat.

Il reste qu’un cursus qui prétend s’adresser à des publics d’apprenants que peuvent différencier

 l’âge moyen,
 les besoins précis de communication et/ou
 l’identité socioculturelle

devrait conduire à une procédure d’évaluation qui soit également adaptée au profil des différents publics d’apprenants (classes d’école, groupes de collègues, etc.), voire au profil de chacun d’entre eux.

Pour prouver la nécessité d’une telle adaptation et pour en définir les premières modalités, il eût été intéressant de mesurer le degré de corrélation entre ces trois paramètres et les scores obtenus aux différentes épreuves de l’examen, mais le PALSO ne dispose d’aucune information statistique sur l’âge, sur les attentes ou sur le profil socioculturel des examinés .

3.2.2 Leur confirmation dans l’intitulé des épreuves

Les intitulés des épreuves confirment, quant à eux, qu’il a été choisi d’évaluer iso-lément les compétences

 de compréhension du discours oral (épreuve orale),

 d’expression orale et de maîtrise de l’interaction (épreuve de production orale),

 de compréhension du discours écrit et de mise en exercice du système linguistique (épreuve écrite, première partie),

 d’expression écrite (épreuve écrite, deuxième partie).

Des raisons pratiques évidentes imposent l’évaluation séparée de ces compétences-objectifs (utilisation d’un matériel spécifique pour chaque skill, formation de groupes plus ou moins réduits suivant le type d’épreuve, etc.). Mais cette organisation classique des objectifs d’évaluation (et d’apprentissage) lors de la mise en oeuvre d’une approche communicative de la langue correspond avant tout au modèle préconisé par de nombreux auteurs .

On peut pourtant se demander si cette organisation n’empêchera pas systématiquement les concepteurs de l’examen d’évaluer certaines compétences de communication qui nécessitent justement la mise en oeuvre successive, voire simultanée, de plusieurs de ces skills.

C’est pour répondre à ce souci qu’une évaluation de la maîtrise de l’interaction est effectuée au cours de l’épreuve dite de production orale et que l’évaluation des productions écrites est recoupée dans une autre épreuve par celle des compétences de mise en oeuvre du système linguistique.

3.2.3 Leur mention dans le texte des certifications

Le texte des diplômes délivrés aux candidats qui ont réussi les épreuves d’examen donne deux indications sur le degré des compétences acquises par rapport

 au cursi (niveau élémentaire/certificat) et
 à l’ensemble des apprenants examinés (mention passable / assez bien / bien / très bien).

Il ne fournit par contre aucun renseignement sur la nature de ces compétences (simplement : Certificat d’aptitude de langue française).

3.3 Objectifs opérationnels

Des exemples nombreux de situations d’implication de l’apprenant sont proposés dans le curriculum comme déclencheurs d’activités d’apprentissage. Ils pourraient constituer des objectifs opérationnels d’évaluation dans la mesure où ils sont directement évaluables. Mais ils sont explicitement présentés à titre d’exemple et ne constituent donc pas un corpus exhaustif. On peut d’autant moins les considérer comme des objectifs opérationnels d’évaluation que ne sont mentionnés nulle part les conditions d’évaluation et les critères d’acceptabilité chers à HAMELINE (1990).

Certes, une liste de moyens linguistiques et d’éléments morphosyntaxiques classés par acte de communication figure en fin de curriculum, mais ces réalisations en discours et leur description figurent de nouveau à titre indicatif.

Les actes, quant à eux, ne sont pas actualisés dans quelque situation de communication et la réalisation de chacun d’eux ne peut donc en aucun cas constituer un objectif à proprement parler opérationnel.

Les concepteurs ont en fait préféré tracer trois cadres hors desquels les activités d’évaluation proposées aux examinés ne sortent jamais :

 des situations d’implication garanties vraisemblables et à la portée des apprenants, dans leur langue d’origine tout au moins,

 des moyens linguistiques et des éléments morphosyntaxiques simples au service d’une liste exhaustive d’actes de parole,

 l’indication précise des compétences de communication qui seront exclusivement évaluées au niveau certificat (et donc pas à l’élémentaire).

Les justifications de ce choix heureux ont déjà été exposées supra .

3.4 L’évaluation des objectifs

Aux plans des objectifs généraux et spécifiques, l’épreuve s’intègre donc parfaitement dans l’approche didactique de la langue dont elle constitue l’aboutissement. On peut seulement regretter que le texte de la certification octroyée ne fournisse aucun détail sur la nature communicationnelle des compétences certifiées. La question de savoir comment pourraient être décrites ces compétences sera traitées sous peu.

Les objectifs sont donc explicitement déclarés par les concepteurs mais on ne sait pas s’ils sont compris (et dans quelle mesure) par les acteurs du processus d’apprentissage que sont notamment les enseignants et les apprenants.

La somme des objectifs généraux et spécifiques forme un ensemble complet, cohérent et dont aucune des parties ne se chevauchent : chaque épreuve correspond à un des skills de la communication On relève pourtant deux recouvrements concertés : l’évaluation de la maîtrise de l’interaction dans l’épreuve de production orale et l’évaluation de la mise en exercice du système de la langue dans l’épreuve de production écrite.

Dans la mesure où l’évaluation des compétences visées peut entraîner l’évaluation simultanée de compétences d’une autre nature comme

 la compétence d’utilisation de nouvelles technologies,
 la faculté de se comporter avec aisance en public,
 certaines capacités professionnelles,
 une bonne connaissance des derniers développement de l’actualité,

on peut se demander si ces dernières compétences constituent aussi des objectifs de l’évaluation ou si elles doivent être considérées comme des éléments parasites de la mesure de compétences purement langagières. En l’absence de données sur le profil des candidats, la mesure - préalable à toute discussion - de l’interaction de ces compétences ne pourra pas être effectuée.

La question de savoir si l’examen est structuré de façon équilibrée et dans le respect du dosage des parties sera discutée infra .

Il reste à se demander dans quelle mesure il ne serait pas préférable, au lieu d’exprimer les résultats par un score total/moyen, de mentionner séparément les notes obtenues pour chaque compétence, puisque l’objectif certificatif d’épreuves mesurant des compétences de communication pourrait justement être d’établir la liste des situations de communications dans lesquelles chaque candidat peut se débrouiller.

Cette préoccupation renvoie à la question de l’usage social qui sera fait de la certification dont l’évaluation permet l’octroi : N’est-ce pas de cet usage final que devrait en dernière analyse dépendre le choix des objectifs généraux et spécifiques d’évaluation ?

Charles HADJI (1995) a bien montré que les choix techniques imposés par toute procédure d’évaluation sont avant tout contraints par les intentions des différents acteurs sociaux impliqués et surtout par l’usage social qui sera fait des produits de cette évaluation.

Or, il est établi que la certification devra attester l’acquisition de compétences à la fois linguistiques et professionnelles correspondant aux besoins des entreprises / administrations / institutions susceptibles d’engager son détenteur. Ne serait-il dès lors pas opportun d’exprimer la nature des compétences développées en des termes accessibles aux employeurs potentiels qui ne sont justement pas toujours capables de déterminer et d’exprimer leurs besoins en des termes opératoires ?

Une difficulté au moins subsistera : Comment concilier

 le fait que les besoins auxquels doivent répondre les objectifs d’apprentissage et d’évaluation sont ceux que les apprenants éprouveront une fois entrés dans la vie active et

 le fait que la plupart de ces apprenants n’ont pas encore éprouvé (en sont-ils seulement capables ?) ces besoins puisqu’ils sont toujours élèves, au mieux étudiants.

En clair, peut-on ou non anticiper sur les besoins des apprenants ? Dans quelle mesure une approche fonctionnelle rigoureuse est-elle praticable à l’école ? Ces questions ne concernent bien évidemment plus le seul domaine de l’évaluation en tant que telle et montrent combien les finalités et les techniques de mises en oeuvre de l’apprentissage et de l’évaluation sont interdépendantes.

L’examen de la mise en oeuvre des objectifs d’évaluation permettra de mieux comprendre encore leur organisation et de vérifier entre autres

 si aucune interférence ne risque de réduire le degré de validité de l’évaluation des compétences et

 si les objectifs réels de l’activité correspondent aux objectifs déclarés par les concepteurs de la formation/évaluation.

Lien associé :
Palso, http://www.palso.gr

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