En Grèce, l’apprentissage du français langue étrangère se poursuit bon an mal an, sur fond d’une crise économique devenue quasi permanente. On continue de suivre des cours, de préparer des diplômes, d’évaluer des niveaux. Mais dans quel but ? À quoi mène ce parcours, pour beaucoup d’apprenants, sinon à une impasse polie ?
Des diplômes pour la forme, rarement pour l’avenir
Je vois des étudiants et des adultes motivés, investis, qui accumulent des certifications : ΚΠγ, DELF-DALF ou Palso-LAAS. Ces examens sont peut-être bien structurés, normés, reconnus. Mais que deviennent ces apprenants une fois le diplôme obtenu ? Trop souvent, rien de plus.
Leur « niveau » [1] est certifié sur le papier mais ils n’ont ni projet professionnel clair, ni perspective d’emploi, ni compétence immédiatement mobilisable dans un monde du travail où l’anglais reste dominant et où la connaissance d’une ou de plusieurs langues étrangères ne suffit pas.
Nous avons fait du diplôme une fin en soi. C’est une erreur. La certification devrait être un outil, pas un aboutissement.
Des besoins concrets, des usages absents
Un apprenant qui prépare une reconversion, qui veut ouvrir un petit gîte ou travailler à distance avec des clients francophones, n’a que peu d’usage des connecteurs logiques mis à l’honneur dans les épreuves de production écrite et orale d’un DALF C1, par exemple.
Ce qu’il lui faut, c’est :
– savoir répondre à un message professionnel sans faute majeure,
– pouvoir expliquer un service ou un produit,
– être capable de négocier un prix ou un délai,
– oser poser une question ou exprimer un refus poliment.
Dans nos cours, parlons-nous bien de ça ? Donnons-nous à nos apprenants les outils pour agir dans la langue ? Trop rarement.
Repenser l’enseignement du FLE : cinq pistes très concrètes
Voici quelques pistes, que j’ai parfois expérimentées moi-même ou que je propose aujourd’hui à mes collègues :
Organiser des ateliers de production concrète
– Créer un CV ou un profil LinkedIn en français. [2]
– Enregistrer une vidéo de présentation pour une candidature.
– Simuler un entretien d’embauche ou une réunion professionnelle.
Proposer du FLE de projet
– Monter une petite campagne de communication en français pour un produit fictif, ou pas.
– Construire une mini-entreprise fictive avec son site vitrine, ses documents commerciaux, ses échanges.
– Rédiger un appel à bénévoles pour une association, une communauté (bien réelle, cette fois).
Faire entrer le monde du travail dans la classe
– Choisir entre de vraies offres d’emploi, de France, de Belgique, de Suisse, du Québec.
– Travailler sur des situations réelles : prise de rendez-vous, commande, devis, relance.
– Faire intervenir des francophones du monde professionnel en visio.
Valoriser les compétences informelles
– Donner du poids aux réussites concrètes (présentation d’un projet, animation d’un débat, tenue d’un journal de bord).
– Construire des portfolios de compétences plutôt que de viser une seule note finale.
– Mettre en place des micro-certifications internes sur des tâches spécifiques (écrire un mail, animer une réunion, prendre la parole dans un groupe).
Adopter une approche réaliste, pas idéaliste
– Arrêtons de nous illusionner : la plupart des apprenants ne vont pas devenir traducteurs, ni universitaires, accomplis du moins. En 2022, selon l’OCDE, seuls 35 % des 25-64 ans en Grèce sont titulaires d’un diplôme d’études supérieures [3].
– Le besoin de ces apprenants, c’est la survie, l’emploi, l’interaction. Parlons le langage de leurs objectifs concrets et prioritaires, pas celui de certains didacticiens ou en tout cas de nombreux praticiens.
Enseigner pour quoi ? Pour qui ?
En temps de crise, l’enseignement du FLE ne peut plus être un entre-soi de profs passionnés et d’élèves méritants. Il doit devenir un « levier » [4]. Une passerelle. Un outil.
C’est à ce moment-là que cet enseignement reprend du sens. C’est à ce moment-là que le français devient plus qu’une langue à apprendre : une langue pour se relancer, pour rebondir, pour se repositionner dans la vie.
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En résumé
Le FLE peut plus. Osons ! En temps de crise, enseignons le français non pour accumuler des diplômes, mais pour aider à vivre, travailler et rebondir. Place aux usages concrets, aux compétences utiles, à un FLE qui sert vraiment.
— Résumé généré par l’IA.
3 Commentaires
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Je retiens la phrase “... l’enseignement du FLE ne peut plus être un entre-soi de profs passionnés et d’élèves méritants”. Il faut donc démystifier l’excellence (ce qui est très difficile en Grèce). Il semble que l’excellence comme objectif soit un piège, et par conséquent un obstacle à un FLE qui sert vraiment.
💕 Oui, @Katerina. Un piège si l’on réduit l’excellence à l’obtention d’un simple diplôme. Mais l’excellence peut aussi être une ambition plus « noble », pédagogique ou professionnelle. Non ? 😉
Si, bien sûr. C’est l’excellence qui s’intéresse à l’essence des choses et non à leur image.
J’aime bien le terme « noble » !
Katerina Tsolakidou