Je ne sais pas vous, mais moi, je reçois de plus en plus de messages étranges. Parfaitement rédigés, impeccables sur le plan du style… mais totalement froids, sans souffle, sans cette petite musique intérieure qui fait qu’on reconnaît une voix humaine. Des textes manifestement écrits – ou écrits en grande partie – par une IA.
Cela m’a fait réfléchir (si, si !) : à quoi bon continuer à apprendre à rédiger en français langue étrangère si une machine peut, en quelques secondes, produire mieux que nous ? En fait, c’est justement aujourd’hui que cet apprentissage devient plus essentiel que jamais.
Pourquoi ?
Parce qu’écrire, ce n’est pas seulement aligner de belles phrases. Écrire, c’est prendre la parole, s’adresser à quelqu’un, adapter son ton, révéler un peu de soi.
L’IA peut manier la grammaire et l’élégance. Mais elle a encore du mal à saisir l’ironie légère, la maladresse touchante, le ton qui varie selon qu’on parle à un ami, à un professeur, à un inconnu.
Notre rôle, en tant qu’enseignants de FLE, est donc en train d’évoluer. Il ne s’agit plus seulement d’apprendre à « ne pas faire de fautes » : il s’agit aussi d’apprendre à être authentique en français, à choisir son ton, à s’engager dans ce qu’on écrit.
Il faudra donc aussi enseigner à nos apprenants à utiliser l’IA intelligemment : non pas comme une béquille pour éviter de penser, mais comme un outil de relecture, de reformulation, de suggestion, sans jamais abandonner leur propre voix.
Pour guider les apprenants dans cette nouvelle ère, il est plus que jamais essentiel de leur apprendre à analyser chaque situation de communication. Les outils classiques, comme les paramètres définis par Dell Hymes – souvenez-vous de son modèle, le fameux SPEAKING, cher à votre formation universitaire, adaptez-le : il va enfin servir à vos élèves ! – restent des repères indispensables pour donner du sens et de la justesse aux productions écrites.
Quelques pistes concrètes pour activer ces nouvelles compétences
- Demander aux élèves : « À qui écrivez-vous ? Que savez-vous de cette personne ? »
- Faire reformuler un même message selon des tons différents : formel, amical, humoristique.
- Proposer des micro-situations d’écriture : par exemple, SMS à un ami, e-mail de réclamation, message d’encouragement.
- Analyser ensemble un texte généré par IA et repérer ce qui sonne « faux » ou « impersonnel ».
- Mettre l’accent sur l’intention communicative avant de commencer à écrire : convaincre, raconter, remercier, inviter…
- Faire écrire à la main, sans IA ni correcteur, des brouillons personnels avant toute révision (indispensable si on se prépare à des examens !).
- Utiliser le modèle SPEAKING pour préparer une production écrite ou orale ou, plus simplement, faire se poser les questions « Qui parle ? À qui ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Comment ? ».
Bref : à l’ère des textes parfaits mais vides, nous avons plus que jamais besoin d’apprendre à écrire pour être humains. Et je trouve que c’est une très belle mission.
En résumé
À l’ère de l’IA, savoir rédiger en français ne se limite plus à produire des textes sans fautes. L’essentiel est désormais ailleurs : apprendre à exprimer une voix personnelle, à adapter son ton au contexte et à s’engager sincèrement dans sa communication. Face aux productions artificiellement parfaites, le rôle des enseignants de FLE évolue : il s’agit d’enseigner non seulement la langue, mais aussi l’authenticité, la créativité, l’intelligence pragmatique et l’analyse fine des situations de communication avec les outils de l’ethnographie de la communication.
— Résumé généré par l’IA.