Faut-il encore enseigner le FLE comme on le faisait hier ? Dans ce rapide entretien, Olivier Delhaye plaide pour une transformation en profondeur des pratiques : il s’agit d’actionnaliser les cours, c’est-à-dire de replacer les apprenants au cœur de situations concrètes et porteuses de sens. Même avec peu d’heures, même à un niveau débutant, cette approche est possible… et bénéfique.
Pourquoi parler aujourd’hui d’ « actionnaliser » les cours de FLE ?
Parce que l’enseignement reste encore souvent centré sur les structures linguistiques, au détriment d’un usage vivant de la langue. L’approche actionnelle, telle que préconisée par le Cadre européen commun de référence pour les langues et son Complément [1], invite à replacer les apprenants dans des situations concrètes, sociales, souvent collaboratives, où la langue devient un outil pour faire, agir, interagir.
Cela signifie-t-il qu’il faut abandonner la grammaire, par exemple ?
Pas du tout. La grammaire reste essentielle mais elle doit constituer un moyen et non une fin. Elle se met au service d’un projet ou d’une tâche à réaliser, dans une perspective fonctionnelle et signifiante.
Peut-on vraiment appliquer cette approche à tous les niveaux, même aux tout débuts comme aux niveaux A1 ou A2 ?
Oui, à condition d’adapter les tâches. Au niveau A1, par exemple, il s’agira de faire connaissance par l’échange de courtes vidéos avec un correspondant francophone ou de créer une affiche simple pour un événement local. Ce sont de « petites » actions, mais elles ont déjà une vraie valeur d’usage, elles ont du sens.
Et si le prof ne voit ses élèves qu’une ou deux heures par semaine ?
Il faut alors penser à long terme. Un projet actionnel peut être fractionné en micro-étapes réparties sur plusieurs séances. L’essentiel, c’est que chaque étape fasse sens pour les élèves et les prépare à une réalisation finale concrète.
Et si les élèves doivent passer un examen comme ceux du PALSO, du ΚΠγ ou du DELF, avec des épreuves qui restent très… formelles ?
Pas d’incompatibilité. On peut tout à fait préparer aux examens en intégrant des tâches actionnelles. Par exemple, concevoir une visite guidée pour de vrais visiteurs francophones peut parfaitement entraîner à l’épreuve d’expression orale du ΚΠγ (Certificat de langue de l’État grec) [2].
Est-ce qu’on ne tombe pas parfois dans des activités de « simulation », qui font semblant d’être réelles ?
C’est un risque. L’idéal, c’est de viser des situations authentiques : échanges avec de vraies personnes, productions destinées à un public réel [3], projets qui laissent une trace hors de la classe. La simulation peut certes constituer un tremplin vers l’action réelle, mais elle ne doit pas s’y substituer durablement. Moins motivée, moins motivante, la simulation doit être considérée comme un pis-aller.
Des interactions réelles, avec des personnes qui existent vraiment… Et si l’établissement interdit l’usage des téléphones ou bloque l’accès à Internet ?
L’actionnalité ne dépend pas du numérique. On peut agir localement : inviter un francophone en classe, faire envoyer ses messages à une école partenaire par le biais du prof, participer à un événement culturel, à un vrai concours… L’authenticité ne passe pas forcément par l’écran.
Peut-on concilier cette approche avec une obligation de progression linéaire, par unités, thèmes et/ou structures comme le proposent la plupart des manuels ?
Oui, en inversant la logique : partir d’un projet final motivant, puis faire émerger les contenus nécessaires au fur et à mesure. Cela demande un peu de souplesse et de créativité mais c’est tout à fait possible.
Est-ce que les élèves adhèrent facilement ?
Quand ils comprennent que ce qu’ils font a du sens et peut être utile hors classe, oui. L’enjeu, c’est souvent de les sortir du réflexe scolaire et de leur faire découvrir qu’ils peuvent réellement agir en langue étrangère.
Et l’intelligence artificielle, là-dedans ?
Elle peut être un bon levier : proposer des tâches personnalisées, dialoguer avec ChatGPT, générer ou adapter des documents… Mais cela reste un outil. C’est à l’enseignant de concevoir les conditions d’une véritable action. Et de son pendant communicatif.
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[1] Conseil de l’Europe. (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues : Apprendre, enseigner, évaluer. Didier.
Conseil de l’Europe. (2020). Volume complémentaire du Cadre européen commun de référence pour les langues : Apprendre, enseigner, évaluer. Conseil de l’Europe.
https://www.coe.int/fr/web/common-european-framework-reference-languages
[2] Ministère de l’Éducation et des Affaires Religieuses. (s.d.). Système grec de certification des compétences linguistiques (ΚΠγ). https://www.minedu.gov.gr
[3] Un karaoké géant, par exemple, remplacera avantageusement un simple cours d’orthophonie
À propos de cet entretien
Cet entretien est une fiction pédagogique conçue à des fins de formation et de réflexion sur l’approche actionnelle en FLE. Les questions sont inspirées de problématiques fréquemment soulevées par des enseignants en exercice ou en formation. Les réponses s’appuient sur une expérience réelle de terrain. Il a été rédigé dans une perspective de diffusion des bonnes pratiques.
En résumé
Dans ce court entretien, Olivier Delhaye revient sur les limites d’un enseignement trop centré sur les structures, la grammaire, le vocabulaire. Il explique comment intégrer l’approche actionnelle dans les cours de FLE, même en contexte contraint. Il aborde aussi les liens possibles avec les examens officiels, les outils numériques ou l’intelligence artificielle, en soulignant une constante : donner aux apprenants les moyens d’agir en langue.
— Résumé généré par l’IA.